PRIX NOUVEAUX TALENTS
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ÉTÉ 2019 - N° 77 —
SAUVEUR CARLUS,
LAURÉAT DU CONCOURS NOUVEAUX TALENTS
Il a remporté le Prix Nouveaux Talents du 16
e
Festival BD de Puteau avec un strip empli d’émotion. Sélectionné parmi de
nombreuses candidatures, Sauveur Carlus a su capter l’attention des membres du jury composé de professionnels de la BD.
Douceur et profondeur ressortent de cette petite histoire qui a fait de Sauveur Carlus le lauréat du Prix. Rencontre avec un
univers très personnel, dont Sauveur Carlus manie les mots, les dessins, les couleurs avec magie !
Pour participer au concours Nouveaux Talents dont le
thème était la famille, il fallait avoir plus de 14 ans et
n’avoir jamais été publié. Alors, à la découverte de l’uni-
vers stylisé et très riche de Sauveur Carlus, on a du mal
à imaginer que son travail n’aurait jamais été édité. On
espère que ce prix lui permettra de partager la beauté
de son talent et de son imagination avec le grand public.
Graphiste, Sauveur Carlus est illustrateur pour plusieurs
agences. Son univers graphique nous emmène au cœur
d’un romantisme sombre et lumineux tant par la déli-
catesse du trait que par la richesse du dessin. Il est
également l’auteur prolifique de textes, de poèmes et de
chansons. Sauveur Carlus est déjà à l’origine de plusieurs
expositions et travaille actuellement à sa première bande
dessinée. En attendant de découvrir son univers, nous
avons rencontré Sauveur, qui nous a ému par sa modestie
et bien sûr par son talent !
Infoscope
:
Quelles étaient vos motivations pour participer à ce concours ?
Sauveur Carlus
: Dès l’instant où j’ai réfléchi à un strip, ces quatre
images sont venues à moi. Ce qui m’a plu dans ce concours c’est
justement son format très resserré. La BD doit être toujours très
rythmée. Le rythme des cases et la manière de composer une
planche conditionnent l’écriture d’une histoire. Pour moi, ces
quatre cases s’apparentaient à un quatrain ou à une valse à quatre
temps ! Tout d’un coup, j’ai vu ces échanges, ce face à face entre
ce petit chat et cette vieille dame, ces deux fenêtres qui se font
face. J’ai vu tout de suite les plans et bien évidemment l’histoire
qui en découle.
Infoscope
:
Expliquez-nous votre strip ?
SC
: Le concours étant sur le thème de la famille, ce strip est
en lien profond avec mon histoire. Je ne crois absolument pas à
l’idée qu’un artiste soit détaché de sa création, je suis fermement
convaincu qu’il faut être au centre de ce que l’on crée. Parler de
soi c’est aussi parler de l’autre. Au final, on vit tous la même chose
à des niveaux différents. La famille pour moi, c’est avant tout ma
grand-mère. Je ne pouvais pas évoquer ce thème sans parler de
ma grand-mère paternelle qui m’a tout donné. Dans ces dessins,
on se demande qui est vraiment seul dans l’histoire. Au premier
regard, on imagine que c’est cette vieille dame, car la dernière
image la montre dans son intérieur, on voit ce petit fauteuil vide
Rencontre d’artiste
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dont on imagine qu’il était peut-être occupé par son mari. Mais elle
est entourée de toutes ses photos qui représentent les êtres qu’elle
aime. On peut imaginer que certains l’ont délaissée… mais à partir
de l’instant où l’on a la capacité de pouvoir se souvenir, je crois que
l’on n’est pas seul. Je voulais aussi insérer dans ce strip la déshuma-
nisation. On voit ces gens qui sont au sein d’une même famille, dans
une même pièce et qui eux ne se regardent plus. Ils n’ont même plus
conscience du bonheur de vivre ensemble, de simplement échanger
un instant de vie. Mais, ce strip montre des êtres qui ont cette capa-
cité à se reconnaître, cela donne de l’espoir. C’est le cas de ce chat
et de cette vieille dame. Même s’il y a ce fossé, ils se voient, ils se
reconnaissent. J’aime à me dire que ce chat pourrait être l’incarnation
de l’esprit humain qui n’a trouvé que cette petite bête pour se sauver
(rires) ou peut-être l’incarnation de l’être aimé.
Infoscope
:
Qu’avez-vous ressenti quand vous avez gagné ?
SC
: Pour moi un prix est un prix. Le fait de se dire que son travail
a été vu et apprécié par des professionnels ou simplement des gens
extérieurs à la sphère intime, ça émeut, ça donne un peu d’espoir et
la force de continuer surtout.
Infoscope
: Comment s’est construit votre style ?
SC
: Ce qui nous construit c’est ce que nous vivons, plus que la culture
intellectuelle ou artistique. Pour moi ce furent le manque et la souf-
france. J’ai bien conscience que ce sont des termes graves mais c’est
ma vérité profonde. D’aussi loin que remontent mes souvenirs, je
n’avais pas grand-chose, à part quelques feutres et quelques crayons
mal taillés. C’est grâce à ce manque, à ces petits moyens, que je
suis arrivé au dessin et à l’écriture. Le cheminement est un peu le
même. Avec un crayon à papier, soit on dessine, soit on écrit. Pour
moi ces deux arts sont extrêmement liés et aujourd’hui c’est ce qui
m’habite. Parfois, j’ai l’impression qu’en dessinant, j’écris et en écri-
vant, je dessine. J’aime beaucoup la poésie. Si je ne devais alors citer
qu’un poète, je citerais Charles Baudelaire. Cette force de l’écriture
qui permet à l’homme de tout sublimer, tout transcender, et malgré
tout, envers et contre tout faire perdurer un espoir… Est-ce cela être
romantique ? Ce qui me touche dans le Romantisme, c’est que ce
n’est pas juste un mouvement artistique, c’est une manière d’être,
c’est une façon de vivre, de voir le monde. Je vous parle plus de litté-
rature et non de dessin pur qui aurait tendance à nuire à ma créativité.
Je préfère m’en détacher. Même en musique, quand j’écris des chan-
sons, on me demande souvent ce que j’écoute, j’aurais presque envie
de répondre rien ! Le silence ! (rires). C’est le silence qui m’inspire. La
musique, l’écriture et le dessin sont la même respiration. J’ai toujours
voulu apprendre à jouer d’un instrument mais je n’ai pas pu. Le dessin
s’est imposé. Quand je dessine j’ai l’impression de composer. Et pour
ça la BD est géniale, le rythme étant primordial. Il faut absolument
cadencer les choses. C’est aussi de la musique.
Infoscope
:
Quels sont vos projets ?
SC
: Je travaille sur un projet BD très personnel. J’ai écrit l’histoire,
les dialogues et réalisé les dessins, et je suis actuellement sur la réali-
sation finale. Ça me demande du temps, car ma manière de procéder
est très traditionnelle : j’encre l’impression du crayonné et je pose les
couleurs sur l’encrage. J’y ai mis toute ma vie, toutes mes pensées les
plus profondes. C’est une histoire romantique qui se passe dans un
château et ça parle de création. Je cherche actuellement un éditeur...
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Strip de Sauveur Carlus qui a remporté le Prix Nouveau Talent