tête depuis tout ce temps. Mais à l’époque,
je ne pouvais même pas imaginer que ça
puisse arriver car les codes étaient totalement
différents. C’est en constatant le succès de
Quai N°5 auprès des enfants et d’un public
extrêmement varié que je me suis dit: pour-
quoi ne pas tenter de le concrétiser, les codes
ayant évolué, ainsi que les mentalités.
:
Quelles sont les particularités
de ces Récréations Symphoniques ?
SL :
Pour la première fois, des élèves de pre-
mier cycle vont jouer avec des musiciens pro-
fessionnels mais pas pour nous accompagner.
Nous n’avons pas un rôle de tuteurs! Ces
enfants sont intégrés totalement au concert.
C’est nous qui les accompagnerons, nous se-
rons derrière eux. L’autre particularité est le
mélange des styles de musique, aussi bien
classique que celles du monde. Je pense que
Mozart vivant aurait certainement touché aux
guitares électriques ou aux synthétiseurs…
Il aurait pensé sa musique différemment.
Aujourd’hui, les jeunes ont accès à énormément
de musiques différentes. Mais beaucoup de
gens oublient que les musiques classiques ont
inspiré toutes les autres, aussi bien le jazz que
le rock! Mais la musique classique fait peur. Les
gens se disent: «
je ne connais pas, donc je ne
vais rien comprendre.
». Pourtant elle est tota-
lement accessible. Ces étudiants vont montrer
à leurs familles et à des proches, qui peut-être
n’auraient jamais franchi les portes d’un conser-
vatoire, un concert qui leur ressemble.
: Comment avez-vous travaillé
avec les élèves du Conservatoire JB Lully ?
SL:
Déjà, je leur ai écrit du sur-mesure.
J’ai travaillé en corrélation avec les
professeurs, Valérie Yeng-Seng pour le chant
et Catherine Hantute qui dirige l’orchestre à
cordes afin de parler en amont du niveau de
chaque élève. On a pris le pari de ne prendre
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Avril 2019 - N° 74 —
que des élèves de premier cycle qui n’ont
donc pas beaucoup d’années d’instrument. Je
les ai rencontrés pour les premières lectures.
La plupart connaissent Quai N°5, puisque
nous sommes passés plusieurs fois à Puteaux.
Nous avons distribué une quarantaine de CD,
autant pour les pianistes que pour les cordes,
que pour les chanteurs, ce qui leur a permis,
selon les professeurs, d’avancer et d’intégrer
la musique. Pour eux, c’est aussi une
nouvelle manière de travailler. Ils possèdent
les partitions et entendent les musiques de
Quai N°5. C’est une technique de « tradition
orale». Bien sûr, nous avons prévu des
répétitions où tout le monde sera réuni. Afin
de les immerger totalement, ils travaillent avec
un planning d’orchestre professionnel.
: Travailler avec des enfants est
un exercice qui vous plaît ?
SL :
Je suis pédagogue depuis 20 ans, donc
autant dire que c’est une vocation aussi forte
que la musique. Et je n’arrête pas de penser
que si on m’avait proposé un tel projet lorsque
j’étais enfant, mon parcours aurait peut-être
été différent. Dans ce concert, j’ai décidé
d’intégrer les élèves accompagnés par la
pianiste professionnelle Christine Lajarrige.
Il faut savoir qu’un pianiste ne joue jamais
en orchestre. Ces enfants au piano auront
des parties écrites spécialement pour eux.
On propose également une master-class
pour les pianistes qui vont pouvoir jouer les
partitions de Quai N°5 et on intègre aussi
des joueurs de djembé du Département
Jazz /Musiques Actuelles. C’est important
que ce département soit présent. Il faut que
l’on comprenne que le conservatoire intègre
toutes les musiques pour tous les publics.
Les portes du conservatoire doivent être
grandes ouvertes. Une fois encore, il y a des
gens qui, à tort, pensent qu’ils n’ont pas cet
accès culturel.
: Avec ce projet, l’enfant doit se
sentir considéré plus qu’un élève ou qu’un
amateur ?
SL :
Exactement, j’espère que grâce à ce
concert que l’on va donner tous ensemble,
les familles de ces enfants et leurs copains
vont se sentir plus intégrés dans la vie d’un
conservatoire. J’espère aussi que les élèves
vont être fiers, de jouer avec un ensemble
professionnel et de tenir un rôle important.
D’autant qu’à Puteaux, le conservatoire est
magnifique et la programmation riche et
accessible ! Ces «Récréations Symphoniques »
doivent continuer à exister. En ce moment, on
est en pourparlers avec d’autres établissements
mais tous les conservatoires ne sont pas aussi
ouverts que celui de Puteaux… Je pense donc
que la Municipalité est précurseur dans ce
domaine pour penser la musique classique
autrement.
Vous savez, tous les grands compositeurs
classiques comme Brahms ou Bartok se
rendaient dans les brasseries pour s’inspirer
des musiques populaires. La musique
classique était le rock de leur temps !
“
JE PENSE QUE
MOZART VIVANT
AURAIT CERTAINEMENT
TOUCHÉ AUX GUITARES
ÉLECTRIQUES OU
AUX SYNTHÉTISEURS…
”