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ÉTÉ 2019 - N° 77 —
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Hôtel de Ville
LE PEINTRE
RENÉ PRADEZ HONORÉ
Figure putéolienne, le peintre René Pradez, disparu en mars 2013, aura une plaque à son nom dans le nouveau Passage des
Glycines. Retour sur le parcours d’un artiste sans concession.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Pour voir les œuvres de René Pradez :
artotheque.puteaux.fr
rubrique École de Puteaux
Musée de la Section d’Or de Puteaux :
5 rue Paul Bert
« SI ON NE COMPREND PAS
L’ART À TRAVERS UNE FINALITÉ
SPIRITUELLE, ON PASSE À CÔTÉ.
LA PEINTURE NE REPRÉSENTE
PAS, ELLE EST. »
René Pradez
«Appréhender et comprendre la peinture vient
très progressivement.
J’ai commencé dès le berceau. Je peignais de
façon innocente des bandes dessinées, des
pilotes, des mousquetaires…
Mais, je n’ai jamais fait du dessin d’enfant. J’ai
tout de suite dessiné avec une approche scien-
tifique. Dès le début, la volonté de comprendre
est devenue capitale. J’essayais de réaliser
la plus proche copie. Ce qui traduisait une
démarche non expressive de soi, essentielle à
la compréhension objective des formes. Plus
tard, je me suis inscrit aux Beaux-Arts. Mais,
ce n’est pas entre ces murs que j’ai appris ce
que je sais. J’ai appris la peinture en visitant les
musées de l’Europe entière et en me confrontant
à des œuvres de première qualité. Mon premier
choc pictural a été Piero Della Francesca
(1412 – 1492), un des créateurs de la
Renaissance. J’ai ressenti un amour très
profond pour ce peintre qui pour moi reste l’un
des plus grands. Viennent ensuite Paolo Uccelo
(1397 – 1475) et Titien (1490 – 1576) qui sont
des peintres «peintres » et non des peintres
« illustrateurs ». La peinture n’est pas une affaire
d’illustration, mais une incarnation de l’esprit
».
Cet extrait issu d’une des dernières interviews de René Pradez, alors atteint de la
maladie de Parkinson, montre à quel point cet homme a dédié sa vie à l’art. Ce n’est
d’ailleurs qu’avec un pinceau en main que les tremblements s’arrêtaient miraculeu-
sement. La maladie l’a épuisé, ralenti et ployé, bien moins que les tremblements qui
n’ont jamais bloqué son élan créatif. La main incroyablement précise, légère et ferme,
les touches souples ou incisives, les lignes jamais molles, le trait habité, le geste et le
regard assurés.
Dans son atelier, des centaines de toiles étaient entreposées. Il peignait sans cesse, sans
concession, souvent dans des conditions extrêmes, sans eau courante, sans chauffage,
sans lumière. D’ailleurs, il peignait, depuis toujours et encore, seulement à la lumière
naturelle, selon les variations des saisons. Héritage des impressionnistes. «
Mépris des
obstacles matériels, défi aux contingences de la fatalité
», pour reprendre ses mots.
Son œuvre, unique et sublime, est le fruit d’une quête artistique et spirituelle de plusieurs
décennies. Dernier peintre de l’École de Puteaux, avec lui s’éteint l’esprit flamboyant
de la Section d’Or, fondée par Jacques Villon. Arrivé à Puteaux en 1963, il rencontre le
mécène et restaurateur Camille Renault. À ses côtés, René Pradez continue d’explorer
les arcanes de l’art pictural. De ses recherches, de ses influences naissent des têtes
saisissantes de vie, d’énergie, de beauté. À travers ses coups de pinceaux, le peintre
questionne l’homme et le spectateur ne peut qu’être ébranlé face au talent brut et
délicat de René Pradez. Il ne jouira malheureusement pas de son vivant de la renommée
qu’il méritait. En dehors du système, au-dessus du système, au-delà du système, René
Buste - Peinture à l’huile sur toile
Années 1990 - Collection de l’artiste
René Pradez dans son atelier
René Pradez dans son atelier
Camille Renault - Peinture à l’huile sur toile
1965 - Collection de l’artiste
Pradez n’a jamais couru après une quel-
conque reconnaissance, seule la peinture et
la création lui importaient. Nommé au poste
de directeur du centre culturel de la ville
de Puteaux (l’ancien Palais de la Culture),
il préféra celui de professeur pour lui
permettre de s’adonner à son art plus libre-
ment. Jusqu’à son dernier souffle, il dessi-
nait. Son œuvre visionnaire et immuable
témoigne à jamais de ce bel esprit libre,
héritier d’une lignée de grands person-
nages. Puteaux rend hommage à l’artiste
sur son lieu de création, devenu une paren-
thèse bucolique au cœur de la ville.